Avis 20246117 - Séance du 21/11/2024

Avis 20246117 - Séance du 21/11/2024

Premier ministre

Monsieur X, conseil de l’association « X », a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, par un courrier enregistré à son secrétariat le 9 septembre 2024, à la suite du refus opposé par le Premier ministre à sa demande de communication des documents suivants, visés par le décret n° 2024-740 du 5 juillet 2024 qualifiant de projet d'intérêt national majeur l'extraction et la transformation de lithium par la société Imerys dans l'Allier publié au Journal officiel du 7 juillet 2024 :
1) le rapport du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le projet Imerys ;
2) la décision n° 2023/111/1 EMILI du 6 septembre 2023 de la commission nationale du débat public décidant d'organiser un débat public sur le projet d'une mine de lithium sur le site de Beauvoir et de sa transformation ;
3) le courrier du président de la communauté d'agglomération de Montluçon communauté du 26 avril 2024 ;
4) le courrier de la présidente de la communauté de commune Saint-Pourçain Sioule Limagne du 30 avril 2024 ;
5) le courrier du maire de la commune de Saint-Victor du 26 avril 2024 ;
6) le courrier du maire de la commune d'Echassières du 30 avril 2024 ;
7) le courrier du maire de la commune de Saint-Bonnet-de-Rochefort du 30 avril 2024 ;
8) le courrier du maire de la commune de Naves du 30 avril 2024 ;
9) le courrier du maire de Vicq du 26 juin 2024 ;
10) le courrier du vice-président projets lithium de la société Imerys du 17 avril 2024 demandant la reconnaissance du projet de mine de lithium sur le site de Beauvoir à Echassières et sa transformation en tant que projet d'intérêt national majeur.

En premier lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le Premier ministre a informé la commission avoir communiqué au demandeur les documents mentionnés aux points 2) à 10), par un message électronique du 13 septembre 2024 dont une copie a été produite.

La commission déclare, dès lors, sans objet la demande d’avis sur ces points.

En deuxième lieu, le Premier ministre a indiqué maintenir son refus de communication du rapport de présentation du décret du 5 juillet 2024, mentionné au point 1) de la demande, dont il estime qu’il relève, par nature, du secret des délibérations du Gouvernement.

La commission rappelle qu’en application des dispositions du a) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration et du a) du 1° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la divulgation porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ne sont pas communicables avant l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter de leur élaboration ou de la date du document le plus récent figurant dans le dossier.

La commission précise que selon sa doctrine constante, relèvent de cette catégorie les documents élaborés ou reçus par les formations collégiales du Gouvernement, en particulier les comptes rendus du conseil des ministres, des conseils ou comités interministériels et des réunions interministérielles (CE, 10 mai 1996, n° 163607), ainsi que les documents dont le président de la République, le Premier ministre ou, le cas échéant, l'un de ses ministres ont demandé l'élaboration pour définir la politique du Gouvernement, et qui présentent une sensibilité particulière (CE, 2 décembre 1987, n° 74637 et CE, 12 octobre 1992, n° 106817, Association SOS Défense). N’entrent en revanche pas dans ce champ, les documents, élaborés par une entité administrative agissant dans le cadre de ses missions, qui ne s’inscrivent pas dans le processus décisionnel du Gouvernement et ne procèdent pas d’une initiative politique de sa part.

Sur ce fondement, la commission a estimé, dans son avis n° 20235134 du 12 octobre 2023, que des projets de décrets soumis à l’examen de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, produits par le Gouvernement, ainsi que les échanges intervenus entre le Gouvernement et la CNIL dans le cadre de cette procédure consultative, qui sont de nature à révéler les versions successives d’un décret avant que les autorités gouvernementales n’arrêtent leur décision, comportent des informations qui doivent être protégées au titre de ce secret.

Pour ce qui concerne le rapport de présentation d’un décret, qu’il s’agisse d’un décret simple ou d’un décret en conseil des ministres, la commission observe, d’une part, que ce document a pour objet de décrire les objectifs poursuivis par le texte soumis à la signature et le contenu de ce texte. Elle relève, d’autre part, que le rapport de présentation est transmis à l’autorité compétente pour signer le projet de décret une fois que ce dernier a été arrêté. La commission considère que ce document n’a ainsi pour finalité ni de préparer la délibération du Gouvernement ni de rendre compte de cette délibération, mais de présenter la décision arrêtée par le Gouvernement à l’issue de cette délibération.

Dès lors, la communication d’un rapport de présentation d’un décret ne porte pas, par nature, atteinte au secret des délibérations du Gouvernement protégé par le a) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration. La commission estime qu’une fois qu’il a perdu son caractère préparatoire, un tel document est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l’occultation, le cas échéant, des éventuelles mentions relevant des intérêts et secrets énumérés aux articles L311-5 et L311-6 de ce code. Tel pourrait être le cas, par exemple, des mentions qui décriraient des versions successives du projet de texte avant que les autorités gouvernementales n’arrêtent leur décision.

En l’espèce, la commission, après avoir pris connaissance du rapport de présentation du décret n° 2024-740 du 5 juillet 2024, constate qu’il est librement communicable à toute personne en faisant la demande.

Elle émet, dès lors, un avis favorable sur le point 1) de la demande.