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Avis 20248384 - Séance du 13/02/2025
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 décembre 2024, à la suite du refus opposé par le ministre des armées à sa demande de consultation des textes nominatifs relatifs à la gendarmerie nationale : les décisions portant inscription au tableau d’avancement du personnel sous‐officier de gendarmerie, les décisions de promotion de sous‐officiers de gendarmerie et d’attribution de prime de résultats exceptionnels à titre individuel ou collectif pour la période du 6 février 2006 au 1er décembre 2010, qui ne figurent pas dans les bulletins officiels chronologiques du ministère des armées et ne sont pas publiées sur internet.
La commission rappelle, en premier lieu, que si la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit, de manière générale, bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens, elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, des décisions de nomination et d'affectation et s’agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI). La commission estime que ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.
La commission rappelle, en deuxième lieu, que pour ce qui concerne les agents de la police nationale et de la gendarmerie, dans sa décision du 15 décembre 2017, n° 405845, le Conseil d’État a jugé que les dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration font obstacle à la communication de la liste des noms, prénoms, fonctions et numéros de matricule des agents, officiers, gendarmes et/ou policiers affectés au Centre automatisé de constatation des infractions routières, au motif qu’une telle divulgation est susceptible, eu égard à la qualité de fonctionnaires de police et de militaires de la gendarmerie des intéressés, de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. Dans sa décision du 18 octobre 2024, n°475283, le Conseil d’État a précisé que les mêmes dispositions font obstacle à la communication des noms et prénoms des fonctionnaires de police figurant sur un extrait du registre de main courante, établi par ces agents dans l’exercice de leurs missions, dès lors que, eu égard à la qualité de fonctionnaires de police des intéressés, cette communication est de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes.
La commission en déduit que, lorsqu’un document a été établi par les agents des forces de l’ordre dans l’exercice de leurs missions, sa communication sans occultation des noms et prénoms des agents est de nature, par principe, à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. En revanche, la commission comprend que les décisions précitées n’impliquent pas que le d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration fasse nécessairement obstacle, dans tous les cas, à la communication de tout document comportant les noms et prénoms d’agents des forces de l’ordre. Il doit, en effet, être tenu compte de la nature du document, de la finalité pour laquelle il a été établi et du contexte dans lequel la demande est formulée.
En troisième lieu, la commission précise que l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que : « Le fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de personnels civils du ministère de la défense ou d’agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat, est puni d’une amende de 1 500 euros. » La commission considère par conséquent que le d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration fait, par principe, obstacle à la communication d’un document faisant état de l’affectation d’un agent des forces de l’ordre dans l’un des services figurant dans la liste établie par l’arrêté du 7 avril 2011 relatif à l’anonymat de certains fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie nationale.
En l'absence de réponse du ministre des armées à la date de sa séance, la commission comprend d’abord que les documents demandés pour les années visées ne sont pas disponibles en ligne et n'ont pas fait l'objet d'une diffusion publique par d'autres moyens, de sorte que le droit à communication n'a pas cessé de s'appliquer en vertu de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration.
Elle constate ensuite que la demande porte sur des mesures relatives à la carrière de militaires de la gendarmerie nationale.
En ce qui concerne les décisions portant inscription au tableau d’avancement et promotion de sous-officiers de gendarmerie, la commission estime dans les circonstances de l’espèce que, sauf à ce que le ministre des armées dispose d’éléments laissant craindre un risque pour la sécurité publique ou la sécurité des personnes, ces documents sont communicables au demandeur après occultation ou disjonction des mentions protégées au titre de l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 et de toute autre mention dont la communication serait susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la loi. Elle émet ainsi un avis favorable sur ce point de la demande, sous ces réserves.
En ce qui concerne les décisions portant attribution de primes de résultats exceptionnels, la commission rappelle que, si elle admet de façon constante que puissent être communiquées les composantes fixes de la rémunération des fonctionnaires, elle est toutefois défavorable à la communication à des tiers, en vertu des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, des informations liées à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur la manière de servir de l'agent. Il en est ainsi, notamment, des cas où la rémunération comporte une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettent de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent.
En l’espèce, la commission estime que la divulgation du nom des bénéficiaires de cette prime exceptionnelle serait de nature à révéler l'appréciation portée sur la manière de servir des personnels concernés. Elle émet donc un avis défavorable sur ce point de la demande.