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Conseil 20248568 - Séance du 30/01/2025
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 30 janvier 2025 votre demande de conseil relative au caractère communicable de décisions de mise en demeure, non rendues publiques, prises à l'encontre d'autorités administratives.
La commission observe que vous avez mené des contrôles auprès du ministère de l’intérieur et de plusieurs communes sur les conditions d’utilisation de logiciels d’analyse automatique d’images par les services de police et de gendarmerie, au terme desquels vous avez adressé des mises en demeure, sur le fondement du III de l’article 20 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Comme le permet le dernier alinéa du III de cet article, la mise en demeure adressée au ministère de l’intérieur a été rendue publique par mise en ligne sur Légifrance et sur votre site internet. Tel n’a pas été le cas des mises en demeure adressées à six communes.
En premier lieu, la commission vous rappelle que lorsque la CNIL prononce une mesure correctrice ou une sanction en vertu des pouvoirs que lui confèrent les articles 20 à 23 de la loi du 6 janvier 1978, elle agit en qualité d’autorité administrative chargée d’une mission de service public. Les documents que vous produisez ou recevez dans ce cadre constituent dès lors des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration.
Comme elle l’a fait dans son avis n° 20230373 du 30 mars 2023, la commission considère qu’en prévoyant au dernier alinéa du III de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 que « Le président peut demander au bureau de rendre publique la mise en demeure », le législateur n’a pas entendu instaurer un régime spécifique de communication excluant l’application des dispositions des articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui garantissent à toute personne le principe de la liberté d'accès aux documents administratifs.
Par conséquent, la commission vous précise que les mesures correctrices et sanctions que vous prononcez constituent des documents administratifs communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration (conseil de partie II n° 20190505 du 21 mars 2019).
En deuxième lieu, ainsi que vous le relevez, le 3° de l’article L311-6 de ce code prévoit que ne sont communicables qu’à l’intéressé, c'est-à-dire la personne que le document concerne directement, les documents faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. La commission considère, en application de ces dispositions, que ne sont pas communicables aux tiers les documents ou mentions de documents relatifs à un comportement dont la divulgation serait susceptible de nuire à son auteur, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale (CE, 21 octobre 2016, Union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine, n° 392711).
En revanche, la commission estime qu’eu égard tant à l’objet du droit d’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration qu’à la portée de l'article L311-6, qui tend à la protection des intérêts légitimes des personnes privées, la communication d’un document administratif ne saurait être refusée au motif qu’il ferait apparaître, de la part d’une personne publique ou d’une personne privée chargée d'une mission de service public, dans le cadre de l'exercice de leur mission de service public, un comportement dont la divulgation pourrait leur porter préjudice.
Par suite, la commission vous indique que la circonstance que les mises en demeure sur lesquelles vous l’interrogez feraient apparaître, de la part des communes en leur qualité d’autorité administrative, un comportement dont la divulgation pourrait leur porter préjudice n’est pas de nature à faire obstacle à la communication de ces documents.
Elle constate par ailleurs que ces mises en demeure ne comportent pas de mentions dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information, au sens du d) de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ni à d’autres intérêts et secrets énumérés par cet article et par l’article L311-6, à l’exception toutefois des coordonnées téléphoniques et électroniques de vos agents.
La commission en déduit que les documents sur lesquels vous l’interrogez sont communicables à toute personne en faisant la demande, sous cette seule réserve.