Avis 20248595 - Séance du 13/02/2025

Avis 20248595 - Séance du 13/02/2025

Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM)

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 décembre 2024, à la suite du refus opposé par le président du Conseil national de l'ordre des médecins à sa demande de communication du rapport du rapporteur, mentionné comme pièce essentielle dans la procédure disciplinaire de la formation restreinte, ayant abouti à sa sanction administrative en avril 2018.

En premier lieu, la commission, qui a pris connaissance de la réponse du président du conseil national de l'ordre des médecins, rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission (...) ». Selon l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ».

La commission relève qu’en vertu de l'article L4121-2 du code de la santé publique, l'ordre des médecins veille au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine et à l'observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L4127-1. Il accomplit sa mission par l’intermédiaire des conseils et des chambres disciplinaires de l’ordre. Dans sa décision du 28 janvier 2019, n°424118 et 424120, le Conseil d’État a jugé qu’il résulte de ces dispositions et de l’ensemble des missions confiées aux instances ordinales par les dispositions du titre deuxième du livre premier de la quatrième partie du code de la santé publique que le législateur a entendu faire de l’organisation et du contrôle de la profession médicale un service public, auquel concourent, alors même qu’ils ne constituent pas des établissements publics, le Conseil national de l’ordre et, dans le périmètre de leurs ressorts territoriaux, les conseils régionaux et départementaux (voir également CE Ass, 2 avril 1943, recueil p.86).

La commission considère que les instances ordinales sont ainsi chargées de missions de service public, de sorte que les documents qu'elles détiennent ou élaborent dans le cadre de ces missions revêtent le caractère de documents administratifs, au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, et sont, à ce titre, soumis au droit d'accès institué par ce même code.

Cependant, la commission précise que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est à dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 28 avril 1993, n° 117480). Ainsi, les documents, quelle que soit leur nature, qui sont détenus par les juridictions et qui se rattachent à la fonction de juger dont elles sont investies, n’ont pas le caractère de document administratif au sens du livre III du code des relations entre le public et l'administration (CE, 7 mai 2010, n° 303168).

A cet égard, la commission souligne que dans une décision n° 474435 du 19 novembre 2024, le Conseil d’État a jugé que les documents qui conduisent à la saisine des instances disciplinaires des avocats, qui constituent des organes juridictionnels, et ceux qui sont établis au cours de la procédure disciplinaire proprement dite, se rattachent à la fonction juridictionnelle et n’ont, dès lors, pas le caractère de documents administratifs, sans qu’ait d’incidence à cet égard le fait que le bâtonnier décide ou non de saisir l’instance disciplinaire.

Pour ce qui concerne la discipline des médecins, la commission relève que les articles L4124-1 et suivants du code de la santé publique confient aux chambres disciplinaires de première instance, siégeant auprès du conseil régional ou interrégional de l’ordre, la mission de statuer sur les plaintes dont elles sont saisies dans les conditions prévues par l’article R4126-1 du même code. L’article L4122-3 de ce code confère à la chambre disciplinaire nationale, siégeant auprès du Conseil national de l’ordre, compétence pour connaître en appel des décisions de première instance. Les décisions de la chambre nationale sont elles-mêmes susceptibles d’un recours en cassation devant le Conseil d’État. Eu égard à leur composition, à la procédure suivie devant elles, aux sanctions qu’elles sont susceptibles de prononcer et aux voies de recours ainsi organisées, les chambres disciplinaires de l’ordre des médecins constituent, selon la jurisprudence constante du Conseil d’État, des juridictions.

La commission en déduit que les documents établis au cours de la procédure disciplinaire, quelle qu’en soit sa phase, se rattachent à la fonction juridictionnelle et n’ont pas le caractère de documents administratifs. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission souligne qu’il en est de même pour les documents produits ou reçus dans le cadre de la phase préliminaire à la procédure disciplinaire proprement dite, quand bien même cette dernière ne serait pas diligentée in fine.

En deuxième lieu, il ressort en l’espèce de la réponse apportée par le Conseil national de l’ordre des médecins que Monsieur X n’a en réalité pas fait l’objet d’une peine d’interdiction temporaire d’exercer, prononcée par une chambre disciplinaire, mais d’une suspension temporaire du droit d’exercer.

Une telle mesure peut être prise sur le fondement des articles R4124-3 et R4124-3-5 du code de la santé publique dans le cas d’infirmité, d’état pathologique ou d’insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la profession. La décision de suspension d’un médecin prononcée par un conseil régional ou interrégional peut faire l’objet d’un recours administratif préalable auprès du Conseil national. La décision de ce dernier est susceptible d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État, qui statue en premier et dernier ressort. Il résulte ainsi des dispositions du code de la santé publique que la suspension temporaire du droit d’exercer ne constitue pas une sanction prononcée par une juridiction disciplinaire mais une décision administrative prise en vertu des pouvoirs de police que le code de la santé publique confère à ces instances ordinales (CE, 13 juillet 1968, n°73461 ; CE, 7 juin 2017, n°403567).

La commission en déduit que le rapport devant le Conseil national de l’ordre des médecins sollicité par Monsieur X présente le caractère d’un document administratif, soumis au droit d’accès organisé par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.

En troisième lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du Conseil national de l’ordre des médecins a indiqué que les dispositions du code de la santé publique relatives à la procédure de suspension temporaire du droit d’exercer ne prévoient pas la communication du rapport établi par le rapporteur désigné. La commission précise cependant que ces dispositions, sur lesquelles elle n’a pas reçu compétence pour se prononcer, ne font pas obstacle à l’application du livre III du code des relations entre le public et l'administration, une fois la procédure achevée.

Elle considère par suite que le rapport sollicité en l’espèce, s’il existe, est communicable à Monsieur X en application de l’article L311-6 de ce code, sous réserve, le cas échéant, de l’occultation préalable des éventuelles mentions dont la communication porterait atteinte à la vie privée de personnes autres que le demandeur, de celles qui porteraient une appréciation ou un jugement de valeur sur une tierce personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ou révèleraient de la part de tiers un comportement dont la divulgation pourrait leur porter préjudice.

Sous ces réserves, la commission émet un avis favorable à la demande.