Avis 20248604 - Séance du 13/02/2025

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Avis 20248604 - Séance du 13/02/2025

Ministère de l'intérieur

Maître X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 décembre 2024, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur à sa demande de communication d'une copie de l'ensemble des décisions individuelles de nominations intervenues en exécution du tableau d'avancement au grade de major de police au titre de l’année 2024, figurant en annexe de l’arrêté n° 4656 du 8 août 2024.

La commission rappelle, en premier lieu, que si la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit, de manière générale, bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens, elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, des décisions de nomination et d'affectation. La commission estime que ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.

La commission rappelle, en deuxième lieu, que pour ce qui concerne les agents de la police nationale et de la gendarmerie, dans sa décision du 15 décembre 2017, n° 405845, le Conseil d’État a jugé que les dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration font obstacle à la communication de la liste des noms, prénoms, fonctions et numéros de matricule des agents, officiers, gendarmes et/ou policiers affectés au Centre automatisé de constatation des infractions routières, au motif qu’une telle divulgation est susceptible, eu égard à la qualité de fonctionnaires de police et de militaires de la gendarmerie des intéressés, de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. Dans sa décision du 18 octobre 2024, n°475283, le Conseil d’État a précisé que les mêmes dispositions font obstacle à la communication des noms et prénoms des fonctionnaires de police figurant sur un extrait du registre de main courante, établi par ces agents dans l’exercice de leurs missions, dès lors que, eu égard à la qualité de fonctionnaires de police des intéressés, cette communication est de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes.

La commission en déduit que, lorsqu’un document a été établi par les agents des forces de l’ordre dans l’exercice de leurs missions, sa communication sans occultation des noms et prénoms des agents est de nature, par principe, à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. En revanche, la commission comprend que les décisions précitées n’impliquent pas que le d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration fasse nécessairement obstacle, dans tous les cas, à la communication de tout document comportant les noms et prénoms d’agents des forces de l’ordre. Il doit, en effet, être tenu compte de la nature du document, de la finalité pour laquelle il a été établi et du contexte dans lequel la demande est formulée.

En troisième lieu, la commission précise que l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que : « Le fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de personnels civils du ministère de la défense ou d’agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat, est puni d’une amende de 1 500 euros ». La commission considère par conséquent que le d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration fait, par principe, obstacle à la communication d’un document faisant état de l’affectation d’un agent des forces de l’ordre dans l’un des services figurant dans la liste établie par l’arrêté du 7 avril 2011 relatif à l’anonymat de certains fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie nationale.

En l’espèce, la commission constate que la demande porte sur des mesures de promotion interne à la police nationale. Elle relève en outre que la demande est faite par un brigadier-chef de la police nationale qui indique contester en justice le tableau d’avancement en exécution duquel ces décisions individuelles ont été prises. Elle observe également qu’en réponse à la demande qui lui a été adressée, le ministre de l’intérieur n’a fait état d’aucune réserve générale quant à l’atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes que porterait la communication des documents sollicités mais qu’il a en revanche souligné que ces documents comportent des mentions relevant du champ d’application de l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 précité.

Dans les circonstances de l’espèce, la commission estime que la communication des noms et prénoms des fonctionnaires de police figurant sur les documents sollicités n’est pas de nature à porter atteinte, par principe, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. Elle considère, dès lors, que les documents sont communicables au demandeur ou à son conseil après occultation des mentions protégées par l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881.

En dernier lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le ministre chargé de l’intérieur a indiqué à la commission que la demande porte sur plus de 3 100 mesures d’avancement et que l’occultation des mentions protégées représenterait une charge de travail disproportionnée.

A cet égard, la commission rappelle que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser plusieurs demandes à une même autorité, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives.

Une demande ne peut en effet être regardée comme abusive que lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou lorsqu'elle aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (CE, 14 novembre 2018, n° 420055, 422500). Lorsque l’administration fait valoir que la communication des documents sollicités, en raison notamment des opérations matérielles qu’elle impliquerait, ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il convient de prendre en compte, pour déterminer si cette charge est effectivement excessive, l’intérêt qui s’attache à cette communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public (CE, 17 mars 2022, n° 449620). Par sa décision du 27 septembre 2022 n° 452614, le Conseil d’Etat a estimé qu’une charge disproportionnée pouvait provenir de l’ampleur d’occultations à effectuer au sein d’un même document.

En l’espèce, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et en l’absence d’éléments précis et circonstanciés quant aux opérations matérielles nécessaires pour satisfaire la demande et permettant d’apprécier la charge de travail pesant sur les services du ministère de l’intérieur au regard des moyens dont ils disposent, il n’est pas apparu à la commission que cette demande présenterait un caractère abusif. Elle souligne que le ministre de l’intérieur est en revanche fondé, au regard du nombre des documents sollicités, à aménager les modalités de communication afin que l’exercice du droit d’accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services.

Au bénéfice de ces développements, la commission émet, dès lors, un avis favorable à la présente demande, sous la réserve qui a été précisée.