Avis 20250520 - Séance du 06/03/2025
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 janvier 2025, à la suite du refus opposé par le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce à sa demande de communication d'une copie des documents suivants :
1) les documents relatifs aux accords intervenus entre les greffes des tribunaux de commerce, Infogreffe, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et des plateformes partenaires et ayant notamment trait à la mise à disposition des dirigeants identifiés sur MonIdenum du Kbis des sociétés qu’ils dirigent ;
2) le Kbis de la société X immatriculée au RCS de Melun sous le numéro X, dont il est le gérant.
La commission, qui a pris connaissance des observations formulées par le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC), rappelle, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission (...) ». Selon l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ».
La commission rappelle que le Conseil d'État a jugé, dans sa décision de section du 22 février 2007, n° 264541, « qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. Toutefois, même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ».
En l’espèce, la commission relève que le CNGTC a été créé par la loi n° 90-1289 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Doté de la personnalité morale, ce Conseil national est chargé, en application de l’article L741-2 du code de commerce de représenter la profession des greffiers des tribunaux de commerce auprès des pouvoirs publics et de défendre les intérêts de la profession. Dans cette perspective, il prépare un code de déontologie, précise les règles professionnelles utiles pour assurer le respect de ce code et exerce l’action disciplinaire à l’encontre des greffiers des tribunaux de commerce, qui sont des officiers publics et ministériels chargés d’une mission de service public (CE, 12 mars 2021, n° 442284). Le CNGTC est également en charge de l’inspection des greffes et de l’organisation de la formation des greffiers, ainsi que du concours d’accès à la profession. Il assure en outre le financement de services d’intérêt collectif pour la profession, dans des domaines fixés par décret. Par ailleurs, son budget provient d’une cotisation versée annuellement par chaque greffier de tribunal de commerce et dont le montant est fonction d’un barème fixé par décret. Le montant de la participation au financement des services d’intérêt collectif due par chaque greffier est déterminé selon une formule de calcul et un taux de référence fixés respectivement par un décret et un arrêté du ministre de la justice.
La commission constate que le CNGCT possède ainsi des missions similaires à celles qui sont confiées à d’autres conseils nationaux ou chambres nationales de professions réglementées ou d’officiers publics et ministériels, qui sont considérés comme chargés d’une mission de service public dans l’organisation de leur profession (CE, 12 octobre 2006, n° 278866 pour l’ordre national des médecins ; CE, Ass., 22 octobre 2015, avis n° 390397 pour le Conseil national des barreaux). Eu égard à ces missions ainsi qu’aux conditions de création et de fonctionnement du CNGCT, la commission en conclut que ce dernier est également chargé d’une mission de service public dans l’organisation de la profession de greffier de tribunal de commerce.
En deuxième lieu, la commission comprend que la demande formulée au point 1) porte sur les documents-cadres détenus par le CNGCT qui sont relatifs au site MonIdenum.
A cet égard, la commission relève que l’article D741-24 du code de commerce place l’informatique de la profession au nombre des services d’intérêt collectif au financement desquels le CNGTC pourvoit. Elle note, de surcroît, que l’arrêté du ministre de la justice du 9 février 2016 portant application des dispositions du titre XXI du livre Ier du code de procédure civile aux greffiers des tribunaux de commerce prévoit qu’est placé sous la responsabilité du CNGTC le système SECURIGREFFE qui permet l’accomplissement des envois, remises et notifications des actes énumérés à l’article 748-1 du code de procédure civile, par le biais d’une communication dématérialisée sécurisée entre les greffiers des tribunaux de commerce, les parties et leurs avocats.
Le président du Conseil national a ainsi précisé à la commission que le site MonIdenum a été créé pour la mise en œuvre de cet arrêté et qu’il permet, grâce à un dispositif d’identité numérique, l’accès au « tribunal digital » ainsi qu’à d’autres services à destination des entrepreneurs, tels que l’accès numérique à l’extrait du registre du commerce et des sociétés (RCS) - dit « K bis » de leur propre entreprise de manière gratuite. Le président du Conseil national a par ailleurs précisé que la création du site MonIdenum s’était inscrite dans le cadre de la convention-cadre de partenariat du 30 janvier 2020 conclue avec le GIE pour lui confier la mise en œuvre technique de projets de dématérialisation et de digitalisation et avait donné lieu à une convention de délégation du 4 juin 2020 signée par les mêmes acteurs pour la mise en œuvre du site par le GIE Infogreffe.
Après avoir pu prendre connaissance de ces conventions, la commission considère qu’elles sont en lien suffisamment direct avec la mission de service public assurée par le CNGTC au titre de sa responsabilité dans la mise en place du site MonIdenum. Elle en déduit qu’ils constituent des documents administratifs en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve de l’occultation des mentions éventuelles protégées par les article L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et notamment le secret des affaires du GIE Infogreffe.
En troisième lieu, la commission estime, eu égard à leur propos très généraux sur le développement puis la mise en œuvre de projets de dématérialisation portés par le CNGCT, ces documents ne contiennent aucune mention protégée par le secret des affaires. Elle émet donc un avis favorable à la communication des documents sollicités au point 1).
En ce qui concerne, en dernier lieu, la demande formulée au point 2), la commission rappelle que des extraits du registre du commerce et des sociétés (RCS) - dits "K bis" - sont aisément disponibles, soit sur place au greffe du tribunal de commerce, soit par simple consultation informatique, moyennant le paiement d'une somme modeste. Elle considère, dès lors, qu’ils font l'objet d'une diffusion publique, ce qui fait obstacle, en application du quatrième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, à l'exercice du droit à communication des documents administratifs. Elle déclare, en conséquence, la demande d'avis irrecevable sur ce point.