Avis 20251702 - Séance du 19/06/2025

Avis 20251702 - Séance du 19/06/2025

Conseil départemental de la Gironde (CD 33)

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 mars 2025, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de la Gironde à sa demande de communication de l'enquête administrative menée à l'encontre de la direction du contrôle et de la transformation qu'elle dirige.

En premier lieu, la commission rappelle qu’un rapport d’enquête ou un audit réalisé par ou à la demande de l'autorité responsable d’un service public est un document administratif en principe communicable à toute personne qui en fait la demande sur le fondement des dispositions de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration à la condition d'une part, que l’enquête soit achevée, d'autre part, qu'il ne présente plus un caractère préparatoire.

Elle précise qu’un tel rapport ne peut revêtir un caractère préparatoire, au sens des dispositions du livre III du code précité, que lorsqu'il est destiné à éclairer l'autorité administrative en vue de prendre une décision administrative déterminée et que cette décision n’est pas encore intervenue, ou que l’autorité administrative n’a pas manifestement renoncé à la prendre.

En l’espèce, la commission note que l’enquête dont le rapport est sollicité est achevée et que le conseil départemental a précisé qu’aucune procédure n’avait été ni ne serait engagée au vu de ses conclusions.

Elle en déduit par suite que ce document administratif ne revêt plus de caractère préparatoire à une décision à intervenir qui ferait obstacle à sa communication.

En deuxième lieu, la commission rappelle que la communication d’un rapport d’enquête ne peut, par ailleurs, intervenir que sous réserve de l’occultation ou de la disjonction des passages qui porteraient atteinte à l’un des intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, en particulier, de ceux dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée de tiers, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, autre que le demandeur, ou faisant apparaître le comportement d'une personne autre que ce dernier, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, sous réserve que ces occultations ne dénaturent pas le sens des documents concernés ni ne privent d’intérêt leur communication.

La commission considère, sur ce fondement, que les documents tels que les témoignages recueillis dans le cadre d'une enquête administrative, tout comme les lettres de signalement, de plainte ou de dénonciation adressées à une administration, dès lors que leur auteur est identifiable, que ce soit directement ou par déduction, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par le témoignage ou la lettre en question. À défaut de pouvoir rendre impossible l'identification de leur auteur, l’intégralité des propos tenus doit être occultée. Lorsqu'une telle occultation conduirait à priver de son sens le document sollicité, sa communication doit être refusée.

En l’espèce, la commission relève que l’enquête dont le rapport est sollicité a été diligentée dans le cadre de la procédure de lanceur d’alerte, à la suite d'un signalement opéré par deux agents concernant le fonctionnement du service que Madame X dirige.

La commission observe que l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, modifiée par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, définit le lanceur d'alerte comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

Le I de l'article 9 de cette loi prévoit que : « Les procédures mises en œuvre pour recueillir et traiter les signalements, dans les conditions mentionnées à l'article 8, garantissent une stricte confidentialité de l'identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers mentionné dans le signalement et des informations recueillies par l'ensemble des destinataires du signalement. / Les éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte ne peuvent être divulgués qu'avec le consentement de celui-ci. Ils peuvent toutefois être communiqués à l'autorité judiciaire, dans le cas où les personnes chargées du recueil ou du traitement des signalements sont tenues de dénoncer les faits à celle-ci. Le lanceur d'alerte en est alors informé, à moins que cette information ne risque de compromettre la procédure judiciaire. Des explications écrites sont jointes à cette information. / Les éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire, qu'une fois établi le caractère fondé de l'alerte ». Le fait de divulguer les éléments confidentiels définis au I est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

La commission considère qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a ainsi institué une règle de secret qui doit être regardée comme un secret protégé par la loi au sens du h) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, faisant obstacle à la communication des éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte (avis de partie II n° 20174765 du 25 janvier 2018).

La commission estime par suite qu’afin de garantir la protection des lanceurs d’alerte organisée par la loi du 9 décembre 2016, le rapport d’enquête sollicité est communicable à Madame X sous la double réserve de la stricte occultation des mentions relatives aux informations recueillies par les destinataires du signalement qui permettraient d’identifier ou de réidentifier les lanceurs d’alerte, ainsi que de celle des mentions concernant des tiers couvertes par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.

La commission, qui n’a pu prendre connaissance du rapport sollicité, émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.