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Conseil 20254571 - Séance du 03/07/2025
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné au cours de sa séance du 3 juillet 2025 votre demande de conseil relative au caractère communicable aux parents, à l’occasion d’enquêtes menées par les agents du service de l’aide sociale à l’enfance, d'éléments provenant d'informations préoccupantes selon que ces informations sont issues des données recueillies par le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED) ou d’une autre source, notamment les rapports de l’aide sociale à l’enfance, alors que les agents de ces deux services sont soumis au même secret professionnel en application, d’une part, de l'article L147-16 du code de l'action sociale et des familles pour les agents du SNATED et, d’autre part, de l’article L221-6 pour les agents de l’aide sociale à l’enfance.
A titre liminaire, la commission souligne que l’article L342-1 du code des relations entre le public et l’administration lui donne compétence pour émettre des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication d'un document administratif, d’une archive publique ou d’un document régi par l’un des régimes énumérés à l’article L342-2 du même code, ou une décision défavorable en matière de réutilisation d'informations publiques et qu’en vertu de l’article R342-4-1 du même code, elle peut être consultée par les autorités mentionnées à l'article L300-2 sur toutes questions relatives à l'application des titres Ier, II et III du livre III du code des relations entre le public et l'administration et du titre Ier du livre II du code du patrimoine.
Elle vous précise qu'elle n’est donc pas compétente pour se prononcer sur les informations devant ou pouvant être délivrées aux familles par les agents des services de l’aide sociale à l’enfance dans le cadre de leurs missions mais seulement sur la communication de documents produits ou reçus par ces services, dans le cadre de l’exercice du droit d’accès aux documents administratifs garanti par le code des relations entre le public et l’administration.
En premier lieu, la commission rappelle, d’une part, qu’en vertu de l’article L226-3 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental est chargé du recueil, du traitement et de l'évaluation, quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être, qui sont centralisées par une cellule instaurée au sein des services du département.
L’article R226-2-2 de ce même code précise qu’une information préoccupante est une information transmise à cette cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d'un mineur pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l'être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l'être.
La finalité de cette transmission est d'évaluer la situation d'un mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. Dès qu’une première analyse d'une information reçue à la cellule départementale fait apparaître qu'il s'agit d'une information préoccupante au sens de ces dispositions, le président du conseil départemental confie l'évaluation de la situation du mineur à une équipe pluridisciplinaire et le cas échéant, saisit l'autorité judiciaire des situations de danger grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance.
La commission rappelle, d’autre part, qu’en vertu de l’article L147-14 du code de l’action sociale et des familles, le groupement d’intérêt public aujourd’hui dénommé « France enfance protégée » exerce, au niveau national, des missions d’appui aux pouvoirs publics dans la mise en œuvre de la politique publique de protection de l’enfance. A ce titre, il a notamment pour mission de gérer le service national d’accueil téléphonique prévu à l’article L226-6 du même code, qui concourt, à l'échelon national, à la mission de protection des mineurs en danger. Le SNATED - « 119 Allô enfance en danger » est chargé de répondre, à tout moment, aux demandes d'information ou de conseil concernant les situations de mineurs en danger ou présumés l'être. Il transmet immédiatement au président du conseil départemental les informations qu'il recueille et les appréciations qu'il formule à propos de ces mineurs.
En deuxième lieu, la commission observe que l’article L147-16 du code de l’action sociale et des familles prévoit que les agents du SNATED sont soumis au secret professionnel dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal et que l’article L221-6 du code de l’action sociale et des familles soumet aux mêmes dispositions « toute personne participant aux missions du service de l’aide sociale à l’enfance ».
L’article L226-2-1 du même code impose par ailleurs que les personnes qui mettent en œuvre la politique de protection de l'enfance, ainsi que celles qui lui apportent leur concours, transmettent sans délai au président du conseil départemental toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l'être. L’article L226-2-2 du code de l’action sociale et des familles précise que « par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en œuvre la politique de protection de l'enfance ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en œuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance ».
Comme vous le soulignez dans votre demande de conseil, les agents du SNATED et ceux des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance sont ainsi également soumis au secret professionnel par le code de l’action sociale et des familles. La commission considère toutefois que, eu égard à leurs missions respectives, ce secret professionnel n’a pas la même portée au regard des dispositions du code des relations entre le public et l’administration, en particulier de son article L311-5.
Elle relève en effet que le SNATED constitue un numéro d’appel d’urgence, dont la mission consiste d’abord à informer, orienter et conseiller les personnes ayant connaissance d’une possible situation de danger pour un mineur ou confrontées elles-mêmes à une telle situation, en particulier les mineurs eux-mêmes. Toute personne dispose par ailleurs de la faculté de contacter à tout moment ce service, de manière gratuite et avec l’assurance que le numéro appelé ne figurera pas sur son relevé d’appels téléphoniques. La commission relève encore que le site internet dédié propose également une fonction de suppression des traces informatiques de sa consultation.
Dans ces conditions et compte tenu des missions particulières confiées au SNATED dans le cadre de la prévention et de la protection de l’enfance en danger, la commission considère qu’en adoptant l’article L147-16 du code de l’action sociale et des familles, le législateur a nécessairement entendu garantir aux appelants la stricte confidentialité de leurs échanges avec ce service. La commission réaffirme ainsi sa doctrine constante selon laquelle le secret professionnel auquel le législateur a soumis les agents du SNATED doit être regardé comme un secret protégé par la loi, au sens du h) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, faisant obstacle à la communication des documents reçus ou élaborés par ce service et qui sont relatifs au signalement d’une situation de danger, sans qu’une exception puisse être tirée de la qualité d’intéressé ou non du demandeur (conseil n°20155385 du 4 février 2016).
La commission constate ensuite qu’un signalement adressé à une cellule départementale de recueil, de traitement, et d’évaluation des informations préoccupantes est quant à lui destiné à être pris en charge par les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance, dans le cadre des procédures prévues par le code de l’action sociale et des familles, en vue d’abord de la confirmation ou de l’infirmation d’une situation de danger pour un mineur, puis, le cas échéant, de la mise en place d’actions administratives d’accompagnement et/ou de protection, voire de saisine de l’autorité judiciaire. Elle observe en outre que les articles L226-2-1 et L226-2-2 du code de l’action sociale et des familles prévoient la délivrance d’informations aux titulaires de l’autorité parentale sur un enfant dont la situation individuelle est évaluée et que l’article L226-5 envisage également la délivrance d’une information aux personnes ayant transmis une information préoccupante au président du conseil départemental.
Dans ces conditions et compte tenu des missions confiées aux départements, la commission considère que le secret professionnel auquel sont soumis les agents des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance ne fait pas, par lui-même, obstacle à la communication, sur le fondement du code des relations entre le public et l’administration, des documents administratifs qu’ils reçoivent ou élaborent. Le caractère communicable de ces documents doit s’apprécier au regard des dispositions de l’article L311-6 de ce code.
La commission vous rappelle qu’en application de ce dernier article, les documents dont la communication porterait atteinte à la vie privée, ceux qui portent un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, et ceux qui font apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations, etc.), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale.
La commission précise que l’identification de l’auteur d’un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. Elle relève qu’un signalement adressé à une cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, compte tenu de son objet, de sa finalité et des informations qui y figurent, comporte par nature des mentions permettant l’identification ou la réidentification de leur auteur, dont l’occultation priverait dans la plupart des cas le document de son sens ou de son intelligibilité. En conséquence, lorsque ce signalement n’émane pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans l’exercice de sa compétence, la commission estime qu’un tel signalement reçu par une cellule départementale n’est en pratique communicable qu’à son auteur.
Elle vous précise en outre que les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s'y oppose l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant (avis CADA n°20152463 du 10 septembre 2015). Dans l’hypothèse où une cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes reçoit un signalement émanant d’un enfant mettant en cause ses représentants légaux, la commission considère que l’intérêt supérieur de l’enfant s’oppose à ce que ce document soit communiqué à ces derniers.