Avis 20254799 - Séance du 18/09/2025

Avis 20254799 - Séance du 18/09/2025

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 juin 2025, à la suite du refus opposé par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, en sa qualité de journaliste, des rapports de la mission de vérification au Kosovo du 25 octobre 1998 au 9 juin 1999, cotes 2017053NN/110, 112 et 113 conservés aux Archives diplomatiques.

La commission rappelle, à titre liminaire, que les documents d’archives publiques sont en principe communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par exception, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions fixées par l'article L213-2 de ce même code.

Selon le 2° du I de cet article, les documents dont la communication porterait atteinte à la conduite des relations extérieures sont couverts par un délai de vingt-cinq ans, à compter de la date du document le plus récent inclus dans le dossier. Selon le 3° du I du même article, les documents dont la communication porterait atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure sont quant à eux couverts par un délai de cinquante ans. Le même délai s’applique aux documents dont la communication porterait atteinte à la sécurité des personnes.

La commission rappelle par ailleurs qu’en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.

Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui a présenté des observations écrites et dont des représentants ont été auditionnés par la commission, a souligné que les rapports que Monsieur X souhaite consulter ont été rédigés par la Mission de vérification au Kosovo, qui, sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), avait la mission de veiller à l’application de la résolution 1199 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies votée le 23 septembre 1998, prônant un cessez-le-feu entre l’Armée de libération du Kosovo et les forces armées serbes. Le ministre a considéré que de tels rapports contiennent des informations dont la communication porterait atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure, de sorte que, compte tenu de leur date, ils ne sont à ce jour susceptibles d’être communiqués que dans le seul cadre d’une demande d’accès par anticipation telle que prévue par l’article L213-3 du code du patrimoine. Il a fondé cette position sur le fait que, d’une part, les rapports comportent des informations précises relatives aux faits d’armes, aux procès et aux négociations pour la libération des otages auxquels la mission a assisté ou participé. Il a indiqué, d’autre part, que les procès devant les Chambres spécialisées pour le Kosovo avaient débuté mi-septembre 2025 pour un verdict attendu au printemps 2026. Enfin, il a insisté sur la persistance de troubles au Kosovo et le maintien d’une présence française dans la zone, dans un cadre multilatéral.

La commission rappelle, comme elle l’a fait dans son avis de partie I n° 20236961 du 25 janvier 2024, que des informations échangées entre les plus hautes autorités de l’État portant sur des sujets tels que le nucléaire, le terrorisme ou encore des conflits en cours ou non résolus peuvent légitimement faire l’objet d’une protection particulière au titre des intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure.

En l’espèce, elle constate que les rapports en cause ne contiennent aucune information de cette nature. Elle précise que si des heurts persistent encore au Kosovo, le conflit qui s’est déroulé en 1998-1999 s’est achevé par le retrait des troupes serbes du Kosovo d’abord et par l’indépendance du Kosovo ensuite.

En outre, la commission relève que les rapports sollicités ont fait l’objet d’une diffusion large dès lors qu’ils ont été adressés aux cinquante-sept délégations auprès de l’OSCE qui participaient à la Mission. Par ailleurs, elle comprend que ces rapports, organisés en quatre parties (situation générale / développements dans la zone de mission / activité humanitaire / situation sécuritaire), sont purement descriptifs de faits constatés par la Mission et non prospectifs. Enfin, elle observe que ces rapports relatent des travaux auxquels la France n’a pas pris part de sa propre initiative mais dans le cadre et sous l’égide de l’OSCE.

La commission estime, au bénéfice de ces développements, que les rapports de la Mission de vérification au Kosovo ne comportent pas d’information dont la communication porterait atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure.

La commission estime en outre qu’il ne ressort pas des éléments portés à sa connaissance que ces documents comporteraient des informations dont la communication serait susceptible de porter atteinte à la sécurité de personnes potentiellement toujours en vie.

Elle considère en revanche qu’ils sont susceptibles de contenir des informations dont la communication porterait atteinte à la conduite des relations extérieures. Elle en déduit que le délai de libre communicabilité qui leur applicable est de vingt-cinq ans à compter de la date du document le plus récent inclus dans le dossier.

La commission relève que la Mission de vérification au Kosovo s’est achevée au mois de juin 1999, date à partir de laquelle plus aucun rapport n’a pu être rédigé. Elle en conclut que les documents demandés sont librement communicables depuis le 1er juillet 2024.

Dans ces conditions, elle estime que les rapports sollicités sont communicables à toute personne en faisant la demande et émet, en conséquence, un avis favorable à la demande de Monsieur X.