Avis 20255063 - Séance du 04/09/2025

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Avis 20255063 - Séance du 04/09/2025

Fondation du Patrimoine

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 30 juin 2025, à la suite du refus opposé par le président de la Fondation du patrimoine à sa demande de communication des documents relatifs au fléchage Loto du patrimoine 2018 suivants :
1) la décision formelle de retrait (ou de désengagement) de l’Abbaye Blanche du fléchage Loto du patrimoine 2018 (tout courrier, PV, acte administratif ou note interne en faisant foi) ;
2) le courrier ou déclaration de désengagement du porteur initial (s’il existe une lettre attestant de l’abandon du projet par un tiers) ;
3) les justificatifs de réaffectation des fonds initialement fléchés sur l’Abbaye Blanche en 2018 : montants collectés, redéploiements, bénéficiaires, dates de transfert ;
4) le rapport de suivi du projet Abbaye Blanche, ou tout document produit par un délégué régional ou un cadre de la Fondation entre 2018 et aujourd’hui ;
5) les correspondances internes et externes concernant la gestion du dossier Abbaye Blanche, entre la direction, les délégations régionales, la Mission Bern, ou d’autres institutions partenaires (DRAC, bénévoles délégués, ministère, élus locaux, etc.) ;
6) les comptes ou annexes budgétaires 2018–2025 mentionnant les affectations liées à l’Abbaye Blanche ;
7) tout document attestant d’un retrait du soutien de la Mission Bern, ou d’une concertation entre cette dernière et la Fondation du patrimoine à ce sujet.

En premier lieu, la commission rappelle, d'une part, qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission (...) ».

La commission rappelle, d'autre part, que le Conseil d'État a jugé, dans sa décision de section « APREI » du 22 février 2007, n° 264541, « qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. Toutefois, même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ».

La commission en déduit que lorsqu'une personne morale de droit privé est chargée d'une mission de service public, les documents qu'elle élabore ou détient ne constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration que s’ils présentent un lien suffisamment direct avec l’accomplissement de cette mission.

En l’espèce, la commission relève que la Fondation du patrimoine été créée par la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996, désormais codifiée aux articles L143-1 à L143-15 du code du patrimoine et a été reconnue comme fondation d’utilité publique par un décret du 18 avril 1997 et comme « établissement d’utilité publique » par l’article R143-1 du code du patrimoine. Elle observe que la Fondation du patrimoine est chargée d’une mission d’intérêt général en application de l’article L143-9 du code du patrimoine et que cette mission consiste, aux termes de l’article L143-2, à « promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national », notamment en apportant « son concours à des personnes publiques ou privées, notamment par subvention, pour l’acquisition, l’entretien, la gestion et la présentation au public de ces biens, qu’ils aient ou non fait l’objet de mesures de protection par la loi ».

A cet effet, la Fondation du patrimoine est en particulier chargée de délivrer un label, qui pour certains travaux en vue desquels elle octroie une subvention, ouvre droit à des déductions de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues par les articles 156 et 156 bis du code général des impôts pour les propriétaires d'immeubles non protégés au titre des monuments historiques.

La commission précise qu'il résulte des dispositions des articles L143-6 et suivants du code du patrimoine que cette fondation est administrée par un conseil d'administration composé de représentants des fondateurs, des mécènes et des donateurs, ainsi que de personnalités qualifiées, de représentants des collectivités territoriales et d'un représentant des associations nationales de protection et de mise en valeur du patrimoine. Lors des séances du conseil d’administration, assistent un ou plusieurs commissaires du gouvernement, désignés par le ministère de la culture, le ministère de l’intérieur et le ministère en charge de la transition écologique avec voix consultative.

La commission observe, en outre, que les ressources de la Fondation du patrimoine comprennent, aux termes de l'article L143-7 du code du patrimoine, les versements des fondateurs, les revenus de ses biens, les produits du placement de ses fonds, les cotisations, des subventions publiques, les dons et legs. La commission relève que la part des financements publics est majoritaire dans le budget de la Fondation du patrimoine, en tenant compte des subventions versées par les collectivités territoriales, de l’attribution par l’Etat d’une fraction du produit des successions vacantes et du versement par l’Etat d’une fraction du prélèvement sur les sommes misées par les joueurs dans le cadre du Loto du patrimoine.

Enfin, l’article L111-12 du code des juridictions financières prévoit expressément que la Fondation du patrimoine est soumise au contrôle de la Cour des comptes.

Dans ces conditions, la commission considère, que, compte tenu des conditions de création et des modalités d'organisation, de fonctionnement, de financement et de contrôle de la Fondation du patrimoine, elle peut être regardée comme une personne privée chargée d'une mission de service public.

La commission relève ensuite que la présente demande porte sur des documents relatifs au « retrait du fléchage » pour le site de l’Abbaye Blanche du Loto du patrimoine 2018 par la fondation. De tels documents étant en lien direct avec la mission de service public de cette dernière, la commission s'estime par conséquent compétente pour se prononcer sur leur communication.

En second lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président de la Fondation du patrimoine a cependant précisé à la commission que les documents sollicités n’existent pas, dès lors qu’aucune décision n’a été prise de ne pas attribuer les fonds issus du Loto du patrimoine 2018 à l’Abbaye Blanche ou de les réaffecter à un autre projet de restauration. La commission comprend que cet état de fait s’explique par l’absence d’exécution du projet initial qui avait motivé le fléchage de l’Abbaye Blanche au Loto du patrimoine et par le refus de Monsieur X de déposer, auprès de la Fondation du patrimoine, un dossier relatif au nouveau projet qu’il porte.

En l’état des informations ainsi portées à sa connaissance, la commission ne peut, dès lors, que déclarer la demande d’avis sans objet.