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Avis 20255991 - Séance du 18/09/2025
Maître X, conseil de Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 30 juillet 2025, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication, par voie électronique, d’une copie de la décision ayant ordonné la gestion menottée de son client incarcéré au centre de détention de Neuvic-sur-l’Isle.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le garde des sceaux, ministre de la justice a indiqué à la commission que le document sollicité est une note de service, dite de gestion menottée ou équipée, destinée à appeler l’attention des agents de l’établissement pénitentiaire sur la prise en charge d’une personne détenue. Il a précisé que cette note prévoit des mesures adaptées au détenu afin de prévenir des risques de fuite ou des incidents à l’égard des tiers comme de lui-même. Il a ajouté que la divulgation de ce document présenterait un risque pour la sécurité publique et la sécurité des personnes, du fait des mesures de surveillance et de contrôle qu’il est susceptible de comporter ou non, et que l’occultation de ces mentions priverait la communication de tout intérêt.
A cet égard, la commission rappelle, d’une part, qu’elle considère de manière constante que les documents produits par l’administration pénitentiaire qui ont trait à la vie d’une personne détenue dans l'établissement présentent, sauf lorsqu’ils ont été établis à la demande de l’autorité judiciaire ou en vue et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, le caractère de documents administratifs communicables à cette personne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Cette communication ne peut intervenir que sous réserve de l’occultation ou de la disjonction, le cas échéant, des éventuelles mentions dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par l’article L311-5 du même code, en particulier la sécurité publique et la sécurité des personnes, et de celles concernant des tiers protégées par l’article L311-6.
La commission rappelle, d’autre part, qu'en application de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. » L’administration n’est fondée à refuser la communication d'un document dans son entier que lorsque l’occultation partielle priverait ce document de son intelligibilité (CE, 25 mai 1990, n°86546) ou de son sens (CE, 4 janvier 1995, n° 117750), ou la communication de tout intérêt (CE, 26 mai 2014, n° 342339).
La commission, qui relève que la décision relative aux mesures de surveillance et de contrôle dont fait l’objet une personne détenue est une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge, estime d’abord que l’occultation des mentions qui figureraient dans une telle décision et qui relèveraient des secrets protégés par le code des relations entre le public et l’administration n’est pas de nature à priver la communication d’intérêt pour la personne qu’elle concerne.
Ensuite, la commission rappelle que l’atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ne se présume pas et doit être établie au regard du contenu du document et des conséquences susceptibles de s'attacher à sa divulgation. Ce risque peut provenir de circonstances étrangères au document lui-même, comme le comportement agressif du demandeur (CE, 12 juillet 1995, n° 147200 ; CE, 23 décembre 1994, n° 123253 ; CE, 29 mars 1993, n° 105129) ou l’utilisation malveillante qui pourrait en être faite (avis n° 20072710 du 26 juillet 2007). Elle précise que les conséquences susceptibles de s'attacher à la divulgation d’un document doivent être suffisamment manifestes ou clairement établies pour qu’elles y fassent obstacle (comp. CE, 22 février 2013, n° 337987 et 337988).
Dans ce cadre, elle considère que les dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration font obstacle à la communication de documents qui permettraient de localiser des postes protégés de surveillants ou des accès de sécurité nécessaires en cas d’intervention au sein d’un établissement pénitentiaire, de documents contenant des éléments précis relatifs aux modalités et aux conditions d’intervention en cas d’incident ainsi que de documents décrivant les procédures et dispositifs destinés à assurer la sécurité de l’établissement (avis de partie II du 27 mars 2025 n° 20250653).
En l’espèce, après avoir pris connaissance de la note de service sollicitée, la commission observe qu’elle comporte une partie « évaluation des risques », qualifiant de manière générale le profil pénitentiaire de la personne détenue, puis une partie consacrée à la mise en place de mesures de sécurité la concernant. Parmi ces dernières, la commission estime que celle commençant par « Gestion » et finissant par « hors cellule » ainsi que celle commençant par « Vers l’US » et finissant par « efficace » contiennent des éléments précis relatifs aux modalités et procédures de prise en charge de la personne détenue, dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes. Il n’apparaît en revanche pas à la commission que la communication des autres mentions de ce document, compte tenu de leur caractère général, serait de nature à emporter un tel risque.
La commission émet dès lors un avis favorable à la communication du document sollicité après occultation de deux mentions précisées ci-dessus.