Avis 20256098 - Séance du 18/09/2025

Mots clés

Avis 20256098 - Séance du 18/09/2025

Ministère de la Justice

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 31 juillet 2025, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication d'une copie des documents suivants relatifs à son incarcération au centre pénitentiaire de Valence :
1) la totalité des décisions trimestrielles justifiant ses fouilles à nu systématiques, ainsi que la liste complète ;
2) l'historique de toutes les fouilles à nu subies entre le 25 octobre 2024 et le 31 mai 2025.

En premier lieu, la commission rappelle que conformément aux dispositions combinées des articles L342-1 et R311-12 du code des relations entre le public et l’administration, elle ne peut être saisie par une personne qu’en cas de refus opposé par une autorité administrative à une demande de communication d'un document administratif. La commission souligne qu'aucun formalisme n'est prescrit par le livre III du code des relations entre le public et l’administration pour les demandes de communication d'un document administratif adressées aux autorités administratives. En l’absence d’une telle demande préalable, laquelle n’a pas nécessairement à être écrite si le demandeur est en mesure d’en établir la réalité et la date, la saisine de la commission est irrecevable.

En l’espèce, la commission constate que Monsieur X a produit à l’appui de sa saisine un courrier en date du 26 juin 2025 par lequel il demandait à la direction de l’établissement pénitentiaire au sein duquel il est détenu la communication des documents mentionnés aux points 1) et 2). Si le garde des sceaux, ministre de la justice a souligné que n’a pas été produit l’accusé de réception de ce courrier, la commission estime, en l’état des informations dont elle dispose, que la réalité de cette demande préalable est suffisamment établie. Elle considère par suite la présente saisine recevable.

En deuxième lieu, le garde des sceaux, ministre de la justice a indiqué à la commission que les documents sollicités comportent des mentions confidentielles dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes. Il estime que l’occultation de ces mentions priverait la communication de tout intérêt.

A cet égard, la commission rappelle, d’une part, qu’elle considère de manière constante que les documents produits par l’administration pénitentiaire qui ont trait à la vie d’une personne détenue dans l'établissement présentent, sauf lorsqu’ils ont été établis à la demande de l’autorité judiciaire ou en vue et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, le caractère de documents administratifs communicables à cette personne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Cette communication ne peut intervenir que sous réserve de l’occultation ou de la disjonction, le cas échéant, des éventuelles mentions dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par l’article L311-5 du même code, en particulier la sécurité publique et la sécurité des personnes, et de celles concernant des tiers protégées par l’article L311-6.

La commission rappelle, d’autre part, qu'en application de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. » L’administration n’est fondée à refuser la communication d'un document dans son entier que lorsque l’occultation partielle priverait ce document de son intelligibilité (CE, 25 mai 1990, n°86546) ou de son sens (CE, 4 janvier 1995, n° 117750), ou la communication de tout intérêt (CE, 26 mai 2014, n° 342339).

La commission, qui relève qu’une décision de fouille corporelle revêt le caractère d’une décision administrative pouvant faire l’objet d’un recours devant le juge, estime d’abord que l’occultation des mentions qui figureraient dans une telle décision et qui relèveraient des secrets protégés par le code des relations entre le public et l’administration n’est pas de nature à priver la communication d’intérêt pour la personne qu’elle concerne.

Ensuite, la commission rappelle que l’atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ne se présume pas et doit être établie au regard du contenu du document et des conséquences susceptibles de s'attacher à sa divulgation. Ce risque peut provenir de circonstances étrangères au document lui-même, comme le comportement agressif du demandeur (CE, 12 juillet 1995, n° 147200 ; CE, 23 décembre 1994, n° 123253 ; CE, 29 mars 1993, n° 105129) ou l’utilisation malveillante qui pourrait en être faite (avis n° 20072710 du 26 juillet 2007). Elle précise que les conséquences susceptibles de s'attacher à la divulgation d’un document doivent être suffisamment manifestes ou clairement établies pour qu’elles y fassent obstacle (comp. CE, 22 février 2013, n° 337987 et 337988).

Dans ce cadre, la commission considère que les dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration font obstacle à la communication de documents qui permettraient de localiser des postes protégés de surveillants ou des accès de sécurité nécessaires en cas d’intervention au sein d’un établissement pénitentiaire, de documents contenant des éléments précis relatifs aux modalités et aux conditions d’intervention en cas d’incident ainsi que de documents décrivant les procédures et dispositifs destinés à assurer la sécurité de l’établissement (avis de partie II du 27 mars 2025 n°20250653).

En l’espèce, après avoir pris connaissance de la décision du 11 avril 2025 instaurant un régime dérogatoire de fouilles intégrales pour le demandeur ainsi que de l’historique des fouilles auxquelles ce dernier a été soumis, la commission observe que ces documents se bornent à faire état des occurrences à l’occasion desquelles ces mesures ont été mises en œuvre. La commission estime que la divulgation de telles mentions n’est pas par elle-même de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes.

Elle émet, dès lors, un avis favorable à la demande.