Conseil 20240487 - Séance du 07/03/2024

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Conseil 20240487 - Séance du 07/03/2024

Conseil départemental des Côtes-d'Armor (CD 22)

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 7 mars 2024 votre demande de conseil relative au caractère communicable à un mineur anciennement confié, devenu majeur, de son dossier d'aide sociale à l'enfance, plus précisément, les décisions de justice contenues dans ce dossier (ordonnance de placement provisoire, renouvellement du placement, mesures éducatives prises par le juge des enfants, etc.).

I. Rappel du cadre juridique :

La commission précise, en premier lieu, qu’en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations…), sont communicables à la personne intéressée.

La commission précise, en deuxième lieu, que les les documents, quelle que soit leur nature, qui sont détenus par les juridictions et qui se rattachent à la fonction de juger dont elles sont investies, n'ont pas le caractère de document administratif. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites (CE, 5 juin 1991, n° 102627), mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 28 avril 1993, n° 117480).

La commission rappelle, en troisième lieu, que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées.

Elle considère que l’ensemble des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé, revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur.

Elle souligne que lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé en application des articles L226-4 du code de l’action sociale et des familles, relatif au mineur en danger au sens de l’article 375 du code civil, et de l’article 375-5 de ce code, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration, à l’égard desquels elle n’est pas compétente pour se prononcer.

La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015).

Elle a estimé, dans son avis de partie II n° 20201272 du 14 mai 2020 que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du CASF, la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le code de l'action sociale et des familles et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance.

Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit-transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire.

2. Application au cas d'espèce :

En application de ces principes, la commission estime qu'une personne, devenue majeure, dispose de la qualité de personne intéressée pour obtenir communication des documents administratifs de son dossier d'aide sociale à l'enfance. Les pièces de ce dossier lui sont communicables, sous réserve de l'occultation des mentions qui se rapporteraient à des tiers et qui seraient protégées par les dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.

La commission estime en revanche que les documents produits par une autorité judiciaire ou à sa demande revêtent un caractère judiciaire et sont, par suite, exclus du droit d'accès. Tel est le cas en particulier des décisions juridictionnelles. La commission n'est en conséquence pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable au regard du livre III du code des relations entre le public et l'administration.