La communication des documents doit être refusée lorsqu’elle pourrait porter atteinte à l’exercice des activités régaliennes de l’État et à l’intérêt général. Le 2° de l’article L. 311-5 du CRPA énumère les secrets protégés par la loi.
NB : un document ne peut normalement, du seul fait de sa nature, faire l’objet d’un refus de communication sur le fondement d’un des alinéas du 2° de cet article. L’appréciation se fait au niveau du contenu des documents : il convient de rechercher si, eu égard au contenu des documents demandés, leur divulgation risque effectivement de porter atteinte à un secret protégé par ces dispositions (CE, 22 février 2013, Fédération chrétienne des témoins de Jehovah France).
Les secrets absolus, opposables à toute personne
Certains documents administratifs ne peuvent être communiqués en raison du caractère sensible de leur contenu (art. L. 311-5 2e alinéa). Il s'agit des documents ou informations dont la communication serait susceptible de porter atteinte à l’exercice des activités régaliennes de l’Etat et à l’intérêt général :
- le secret de la défense nationale : le secret de la défense nationale est défini par référence à l’article 413-9 du code pénal. Ne peuvent donc être réputés présenter un caractère de secret de la défense nationale que des renseignements, procédés, documents, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale, qui ont fait l’objet d’une classification dans les conditions prévues par le décret n° 98-608 du 17 juillet 1998. (tous les documents classés « secret défense », les données relatives à l'évolution du nombre de documents classifiés chaque année en France (20143973) ;
- le secret de la conduite de la politique extérieure : la CADA s’attache au contenu du document sollicité plus qu’à sa forme (un télégramme diplomatique, même ayant fait l’objet d’une « diffusion restreinte » n’échappe pas, pour ce seul motif, au droit d’accès), et au contexte dans lequel la demande de communication s’inscrit, si le dossier le lui permet. Il s’agit en particulier, de documents ayant servi de base à des négociations internationales ou retraçant de telles négociations, de documents analysant une situation internationale ou le comportement d’un Etat, de documents traduisant la politique extérieure de la France.
- la monnaie et le crédit public : Cette exception permet d’éviter que ne soient communiqués des documents susceptibles de favoriser la spéculation ou de compliquer l’action des pouvoirs publics. Elle ne doit pas s’interpréter comme excluant du champ de la communication tous les documents émanant des autorités monétaires comme la Banque de France ou le Trésor. Sa portée est strictement limitée aux seuls cas dans lesquels la divulgation du document favoriserait des mouvements spéculatifs ou affaiblirait la politique monétaire de la France.
Les secrets relatifs, opposable aux tiers mais pas aux personnes intéressées
D’autres intérêts protégés peuvent conduire à l’occultation des informations contenues dans les documents (art. L. 311-6), ou à la non-communication si les occultations nécessaires font perdre tous sens à la communication :
- le secret médical :
Ce secret constitue un des « droits essentiels » de la personne selon l’article L. 1110-4 du code de la santé publique. Il protège les « informations relatives à la santé » au sens de l’article L. 1111-7 du même code. L’accès aux documents médicaux est essentiellement régi par les articles L. 1111-7 et L. 1131-1 du code de la santé publique, ainsi que des dispositions réglementaires prises pour leur application.
- la vie privée :
L’article 9 du code civil dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». L’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration traduit cette exigence en prévoyant que seuls les intéressés ont le droit d’accéder aux documents « dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ». Le champ de la protection de la vie privée inclut les personnes morales (CE, 17 avril 2013, Min. c. Cabinet de La Taille, 344924).
NB : La CADA considère que la vie privée des fonctionnaires et autres agents publics, qui doit être protégée au même titre que celle de toute personne, ne couvre pas certaines informations que les citoyens doivent légitimement pouvoir connaître. Exemples d’informations communicables concernant les agents publics : adresse administrative, statut, fonctions exercées, service d’affectation, indice de rémunération, grade…
(Ex. d’éléments couverts par le secret de la vie privée des agents : les informations privée des fiches de paye des agents publics, l’adresse mail d’un agent public ou sa ligne directe)
- les informations qui révèlent le comportement dans des conditions susceptibles d’être préjudiciables à la personne en cause, les opinions ou qui portent un jugement de valeur
- les secrets industriels et commerciaux :
Le secret en matière commerciale et industrielle s’applique à toute personne dès lors qu’elle déploie son activité, en tout ou partie, en milieu concurrentiel. Il peut donc aussi bien s’agir d’une entreprise privée que d’une association (y compris à but non lucratif) ou d’un établissement public. Toutefois, il est nécessairement interprété de manière plus extensive s’agissant des organismes qui exercent exclusivement une activité concurrentielle.
Ce secret comporte trois dimensions : le secret des procédés, le secret des informations économiques et financières et le secret des stratégies financières.
1°) Le secret des procédés : il protège les informations susceptibles de dévoiler le savoir-faire de l’entreprise, c’est-à-dire plus particulièrement les techniques de fabrication et les travaux de recherche, ainsi que l’ensemble des informations relatives aux moyens techniques et humains mobilisés par celle-ci (description des matériels et matières premières utilisés, nombre et qualifications du personnel, liste nominative du personnel, procédés utilisés par les vérificateurs…). Il comprend certains secrets protégés par la loi comme le secret qui s’attache aux brevets en application de la loi du 2 janvier 1968, le secret de fabrique régi par l’article 418 du code pénal et l’obligation générale de loyauté qui s’impose aux salariés.
2°) Le secret des informations économiques et financières : il couvre les renseignements relatifs à la situation économique d’une société, à sa santé financière et à l’état de son crédit, ce qui inclut l’ensemble des informations de nature à révéler le niveau d’activité. Ne sont ainsi pas communicables : le chiffre d’affaires, les volumes de production, les capacités d’exploitation et le montant des investissements, les volumes de matières premières utilisées et, de manière générale, les bases d’imposition. N’en font en revanche pas partie, en principe, les éléments de comptabilité qui se rapportent à la mission de service public ou de service universel de l’entreprise.
3°) Le secret des stratégies commerciales : il renvoie aux décisions stratégiques de l’entreprise et à son positionnement dans son environnement concurrentiel : prix et remises pratiqués, liste des fournisseurs, politique de développement à l’exportation, raisons du retrait de la candidature de l’entreprise à un appel d’offres, dates d’ouvertures d’étals de brocanteurs.
À noter que le caractère communicable des documents s’apprécie en fonction de leur contenu et du contexte de la demande. Il n’est pas question de s’interroger sur l’opportunité de la communication, mais d’occulter ce qui est strictement nécessaire à la protection des secrets mentionnés. C’est la raison pour laquelle, il n’est pas possible de faire des listes de ce qui est ou n’est pas communicable comme le souhaiterait bien des autorités administratives.